A Saïda, dans le sud du Liban, l’interminable crise des déchets

Mains protégées par des gants, Zouhair fouille sous le soleil des bennes à ordures d’une rue de Saïda, la grande ville côtière du sud du Liban, à la recherche de matériaux recyclables. Plastique, carton ou canettes finissent dans un grand sac posé à ses pieds. « Le mieux, c’est tout ce qui est en métal, plus cher », dit ce réfugié palestinien à la peau tannée, qui revend ses trouvailles quotidiennes à une entreprise de recyclage. Ancien ouvrier, âgé de 68 ans, Zouhair est devenu chiffonnier à cause de la grave crise économique et financière en cours au Liban depuis 2019, sans pitié pour les plus pauvres. « La concurrence est forte. Des Syriens, des Palestiniens, des Libanais passent au crible les poubelles… », dit celui qui, dans ses bons jours, gagne environ 9 euros.

Saïda s’est habituée à ces silhouettes d’adultes ou d’enfants au dos courbé sous le poids des recyclables repêchés des caissons rouillés. Les mieux outillés font leur tour en tuk-tuk. Ces fouilleurs de poubelles sont facilement accusés d’être responsables de la saleté des rues, en raison des sacs éventrés qu’ils laissent au sol, une fois leur tri terminé. Mais en réalité, depuis l’effondrement de 2019, la ville a renoué avec la malédiction des ordures. Elle avait cru s’en défaire durant la décennie 2010, après être venue à bout d’une gigantesque décharge sauvage qui était considérée comme une menace pour toute la Méditerranée et avait empoisonné le quotidien des habitants pendant plus de trente ans. Avec un centre de traitement « zéro déchets » mis en place en 2012, Saïda avait même échappé à la grave crise des déchets qui avait miné Beyrouth en 2015-2016.

Cette reconversion présentée comme « modèle » s’est révélée éphémère. Dans les rues, les poubelles s’accumulent par à-coups, quand le ramassage tarde. Saïda n’est pas seule à souffrir : la gestion des ordures s’est dégradée dans tout le Liban.

Incendies récurrents

Dans la ville côtière, la collecte est assurée depuis début juillet par la mairie, pour une période transitoire, avant qu’une compagnie privée ne prenne le relais. Le ramassage était devenu très aléatoire avec le précédent prestataire : ses revenus avaient plongé avec la forte dépréciation de la monnaie nationale. Aux problèmes financiers s’ajoutent parfois des imprévus : des combats entre factions palestiniennes dans le camp d’Aïn El-Héloué, situé à Saïda, qui ont fait onze morts entre le 29 et le 31 juillet, ont paralysé la localité.

L’accumulation de déchets s’annonce un casse-tête pour le centre de traitement. Celui-ci, situé en bord de mer, en face de la zone industrielle et à une courte distance au sud du centre historique, est déjà dysfonctionnel : géré par la société privée INC et chargé des déchets de Saïda et d’une dizaine d’autres municipalités voisines, il tourne à moins de la moitié de ses capacités (environ 180 à 200 tonnes quotidiennes, au lieu de 500).

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