Elon Musk, un partenaire imprévisible pour le secteur de la défense

C’est désormais une certitude : Elon Musk a sciemment limité les capacités militaires offensives de l’Ukraine. En 2022, le PDG américain a refusé d’activer le réseau de satellites de télécommunications Starlink, opéré par sa société SpaceX, au-dessus de zones situées à proximité de la péninsule de Crimée, occupée par la Russie depuis 2014 et dont la reconquête est affichée par Kiev comme l’un de ses buts de guerre. En agissant ainsi, le magnat a empêché une attaque de drones navals ukrainiens contre les bâtiments de guerre russes de la flotte de la mer Noire, situés au sein de la base navale de Sébastopol.

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L’affaire a été révélée par le journaliste américain Walter Isaacson, qui publie, le 12 septembre, une biographie autorisée du patron de SpaceX et de Tesla, sobrement intitulée Elon Musk (Simon & Schuster, Fayard pour la version française, le 13 septembre). Selon cette enquête, l’Ukraine aurait tenté, en septembre 2022, d’attaquer la flotte russe basée à Sébastopol avec « six petits drones navals bourrés d’explosifs ». Pilotés à distance via une liaison satellite, ceux-ci n’auraient jamais atteint leurs cibles, leur connexion avec le réseau Starlink ayant été coupée.

Dans un extrait de l’ouvrage publié jeudi par le quotidien américain The Washington Post, M. Isaacson affirme qu’Elon Musk s’était entretenu au préalable avec l’ambassadeur russe à Washington, qui « lui a dit explicitement qu’une attaque ukrainienne contre la Crimée conduirait à une réponse nucléaire ». Le PDG aurait alors « secrètement dit à ses ingénieurs de désactiver la couverture [de Starlink] dans un rayon de cent kilomètres de la côte de Crimée. En conséquence, lorsque les drones ukrainiens se sont approchés de la flotte russe à Sébastopol, ils ont perdu la connectivité et se sont échoués sans causer de dégâts ».

Elon Musk se serait également entretenu, avant de prendre sa décision, avec le chef d’état-major des forces armées, le général Mark Milley, et le conseiller à la sécurité nationale, Jake Sullivan, leur expliquant qu’il ne souhaitait pas que sa technologie serve à des fins offensives. Contacté par Le Monde, le Conseil à la sécurité nationale de la Maison Blanche n’a pas souhaité réagir.

« Un cocktail d’ignorance et de gros ego »

Bravache comme à son habitude, Elon Musk n’a pas démenti les faits rapportés par M. Isaacson, au contraire. « Les autorités gouvernementales [ukrainiennes] ont demandé en urgence d’activer Starlink jusqu’à Sébastopol. L’intention évidente était de couler la majeure partie de la flotte russe au mouillage. Si j’avais accepté leur demande, alors SpaceX aurait été explicitement complice d’un acte de guerre majeur et d’une escalade du conflit », a justifié le magnat dans un message publié jeudi 7 septembre sur le réseau X (ex-Twitter), dont il est également propriétaire. Walter Isaacson assure qu’Elon Musk craignait que Kiev inflige un « mini-Pearl Harbor » à la flotte russe et que Moscou y réponde par une frappe nucléaire.

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