En Equateur, les 57 gardiens et policiers retenus en otage par des détenus ont été libérés

Cela faisait plus de vingt-quatre heures qu’ils avaient été pris en otage. Cinquante-sept gardiens de prison et policiers, retenus par des détenus dans plusieurs prisons de l’Equateur depuis jeudi soir, ont été libérés, a annoncé vendredi 1er septembre le service national de prise en charge intégrale des adultes privés de liberté et des adolescents délinquants (SNAI).

Les cinquante agents et les sept officiers de police, « qui étaient retenus dans six prisons » différentes du pays, « ont déjà été libérés, ont subi des évaluations médicales pour vérifier leur état de santé et sont en bonne santé », a fait savoir l’administration pénitentiaire équatorienne dans un communiqué.

Laconique, ce dernier ne donne toutefois aucune autre précision ni sur les conditions de leur libération ni sur les circonstances de leurs prises d’otages, tout comme les autorités, qui ont observé un mutisme complet depuis l’annonce de l’incident, la veille.

Retour à « la normale » annoncé

« Le poste de commandement unifié (PMU) a dirigé l’exécution des actions coordonnées qui ont permis d’atteindre cet objectif », a simplement déclaré le SNAI, affirmant : « En ce moment, les activités se déroulent normalement dans les centres » pénitentiaires. « Nous sommes inquiets pour la sécurité de nos agents », avait reconnu le ministre de l’intérieur, Juan Zapata, évoquant des « actions planifiées » visant à « garantir leur sécurité ».

La principale prise d’otages a apparemment eu lieu dans la prison de Cuenca, dans le sud-ouest du pays. Une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, relayée par la presse locale mais impossible à authentifier avec certitude, a montré un groupe d’hommes en uniforme, apparemment retenus dans une cellule et appelant le gouvernement à négocier.

Les abords de l’établissement pénitentiaire sont restés complètement inaccessibles, vendredi, par trois cordons de forces de sécurité qui empêchaient les véhicules d’approcher à moins de 1 kilomètre, a constaté sur place un photographe de l’Agence France-Presse. Depuis une colline voisine, on pouvait apercevoir trois détenus sur le toit de la prison, l’un d’entre eux vêtu, tel un père Noël, d’un pyjama, un bonnet sur la tête, et un talkie-walkie à la main.

Une vue générale de la prison de Turi, à Cuenca, en Equateur, le 1ᵉʳ septembre 2023.

Réponse des groupes criminels aux fouilles des cellules

Selon le SNAI, la prise d’otages était « une réponse des groupes criminels après les interventions de la force publique dans les centres pénitentiaires du pays, dont le but est la découverte d’objets interdits qui sont utilisés pendant les violences [entre détenus] », qui ont fait quelque 430 morts depuis 2021.

« Les mesures que nous avons prises, en particulier dans le système pénitentiaire, ont suscité des réactions violentes de la part d’organisations criminelles qui cherchent à intimider l’Etat », a déclaré pour sa part le président, Guillermo Lasso, sur le réseau social X (anciennement Twitter).

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Mercredi, des centaines de soldats et de policiers avaient mené une opération de recherches d’armes, de munitions et d’explosifs dans une autre prison du sud du pays, à Latacunga. Par ailleurs, six Colombiens au lourd passé criminel, incarcérés pour l’assassinat le 9 août de l’un des favoris du premier tour de la présidentielle du 20 août, avaient été transférés.

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La prise d’otages simultanée est également intervenue après l’explosion, jeudi, de deux voitures piégées devant des bâtiments appartenant à l’administration pénitentiaire à Quito, sans faire de victime. Douze personnes, dont une de nationalité colombienne, ont été arrêtées pour ces faits, selon les autorités. Une tentative de mutinerie a, par ailleurs, eu lieu dans un centre de détention pour adolescents de la capitale.

Vague de violences liée au narcotrafic

Autrefois considéré comme un îlot de paix en Amérique latine, l’Equateur, situé entre la Colombie et le Pérou, les deux plus gros producteurs mondiaux de cocaïne, est affecté depuis plusieurs mois par une vague de violences sans précédent liée au crime organisé et au narcotrafic.

Malgré de nombreuses descentes de police, fouilles des cellules, des transferts de prisonniers, gangs et narcotrafiquants continuent d’imposer leur loi et de s’affronter dans les prisons, où l’Etat apparaît toujours impuissant à reprendre la situation en main.

Deux bandes, Los Choneros et Los Lobos, connues pour travailler avec les cartels mexicains, ont en particulier pris part à de terribles massacres entre prisonniers membres de gangs rivaux – victimes brûlées vives ou littéralement découpées à l’arme blanche.

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Le 24 juillet, le président Lasso a décrété l’état d’urgence dans tout le système pénitentiaire du pays pendant soixante jours, une mesure qui permet notamment à l’Etat d’envoyer l’armée dans les prisons. « (…) Nous sommes fermes et nous ne reculerons pas devant notre objectif de capturer les criminels dangereux, de démanteler les gangs criminels et de pacifier les prisons du pays », a assuré une nouvelle fois jeudi M. Lasso.

L’Equateur compte trente-six prisons surpeuplées accueillant 32 200 détenus, la moitié pour trafic de drogue.

Le Monde avec AFP