De loin, on ne distingue que des petites taches de couleur, qui jalonnent les berges de la rivière Las Vacas (« les vaches »), au nord de la capitale du Guatemala. Et c’est en s’approchant que l’on comprend que ces gigantesques amas multicolores ne sont autres que du plastique sous toutes ses formes. Ce paysage dantesque commence à la sortie de la plus grande décharge à ciel ouvert d’Amérique centrale qui, depuis soixante-dix ans, accumule sur 44 hectares les déchets des habitants de la capitale du Guatemala et des quatorze municipalités de sa périphérie. Malgré les efforts de la ville pour tracer des courbes dans cette montagne d’ordures, ces dernières sont précipitées au bord des falaises et tombent dans les affluents de la rivière Las Vacas, en particulier à la saison des pluies.
A une trentaine de kilomètres de la capitale, ces déchets rejoignent le fleuve Motagua, le plus important cours d’eau du pays, qui le traverse sur 486 km jusqu’à sa côte caraïbe, à l’est. Selon les estimations du ministère de l’environnement du Guatemala, le fleuve transporte ainsi près de 8 500 tonnes de déchets chaque année – un chiffre considéré comme sous-estimé par les ONG – en traversant près de cent municipalités qui utilisent le plus souvent les terrains près de ses berges pour y déposer leurs ordures dans des décharges clandestines.
Un « préjudice immense »
A l’embouchure du fleuve, sur la côte hondurienne cette fois, on retrouve cette mer de plastique qui flotte entre les vagues et s’échoue sur les plages touristiques du Honduras. La situation n’est certes pas nouvelle, mais elle n’a fait qu’empirer ces dernières années, à tel point que le Honduras a menacé son voisin de porter l’affaire devant la Cour interaméricaine des droits de l’homme, en septembre 2022. Neuf mois plus tard, et après plusieurs réunions bilatérales, le Honduras renonçait à sa plainte. Une déception pour le maire de la cité balnéaire d’Omoa (dans la région de Cortès), l’une des plus touchées par ces rejets de plastique et qui comptait sur la justice internationale pour que sa ville soit reconnue victime de la pollution.
« Le préjudice que nous subissons est difficilement chiffrable mais il est immense, considère son maire, Ricardo Alvarado, joint par téléphone. La pêche, qui était une activité importante, a énormément diminué à cause du plastique. Nous vivons désormais du tourisme mais, pour éviter de faire fuir les touristes, on dépense chaque mois 100 000 lempiras [3 707 euros] pour ramasser le plastique, le transporter et l’enterrer à une dizaine de kilomètres de là. » L’édile, qui occupe ce poste depuis treize ans, dit n’avoir jamais fait le calcul mais se demande « combien d’écoles, de bibliothèques, de cliniques n’ont pas été construites à cause de l’argent consacré à nettoyer les plages ? »
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